la foi seule est inutile, seul l'amour mène à la vie éternelle

On ne peut se méprendre sur ce qu'il faut faire pour agir conformément à l'enseignement du Seigneur: l'amour du prochain doit être le moteur de tous les actes de la vie. On le sait déjà par les quatre évangiles du Nouveau Testament, et cette recommandation revient sans cesse dans le Grand Évangile de Jean. Ici par exemple: (Grand Évangile de Jean_4, chap.100)

(Le Seigneur:) « Oh, il ne suffit pas, loin de là, de savoir et de croire ce qui est bon, juste et vrai selon l'ordonnance divine et céleste! Il faut le mettre en pratique dans l'amour et la joie du cœur, et c'est alors seulement que le royaume de Dieu viendra parmi vous, les hommes, avec sa justice, et qu'il fera de vous les véritables enfants de Dieu!

À quoi serviraient donc à un homme toute l'intelligence et toute la connaissance s'il n'agissait pas selon elles, mais conservait ses vieilles habitudes du monde? Ne serait-il pas pareil à un fou qui aurait reçu en cadeau un palais pour y demeurer avec les siens en toute tranquillité et confortablement, et qui se réjouirait beaucoup de la beauté et du confort de ce palais, mais, accoutumé depuis l'enfance au très grand inconfort de sa vieille cabane sale et étroite, et bien qu'il comprenne à quel point le magnifique et très vaste palais est bon et commode, resterait pourtant avec les siens dans sa cabane humide, malsaine et parfaitement incommode, tout en continuant à se plaindre des grands défauts de son maigre logis?!

Oui, un tel homme serait un fou s'il en est sur cette terre! Mais combien plus fou celui qui dispose de Ma doctrine et qui l'a reconnue comme éternellement vraie, et qui demeure pourtant un vieux bœuf de labour dans toute sa conduite!



Seul un amour du prochain vivace et véritable ouvre la porte du Royaume de Dieu dans le coeur de l'homme. Les paroles suivantes, que l'ange Raphaël adresse à Murel, un pharisien devenu disciple du Seigneur, et à Mathaël et Philopold - également appelés à propager la doctrine du Seigneur -, l'explique dans toute son ampleur. Tout d'abord cette question: ( Grand Évangile de Jean_3 , chap.240, v.2)

Tout au long de votre chemin, quand vous travaillerez pour le royaume de Dieu, il arrivera bien souvent que vos disciples vous questionnent avec insistance et vous disent: "Votre doctrine est certes sublime, belle et émouvante; mais la promesse qui nous a été faite ne s'est toujours pas réalisée de quelque manière que ce soit. Nous devions entendre en nous la voix du Père, et on nous avait même promis que nous pourrions Le voir et Lui parler; mais jusqu'ici, nous ne connaissons encore rien de tout cela. S'il y a une vérité dans votre doctrine, il faut bien que les promesses que vous nous avez faites se vérifient pour nous. Nous l'observons en tout, mais ne percevons toujours pas en nous la moindre trace d'accomplissement des promesses faites par vous! Parlez, répondez-nous et dites-nous très sincèrement d'où il vient que vos promesses ne veulent pas se réaliser pour nous!" — Que leur répondrez-vous alors?»

Et Raphaël répond: (même livre, chaps.241 et 242)

(Raphaël :) « Mais comme je vois que vous ne sauriez en aucun cas répondre à cette question que je vous ai posée, je vais y répondre moi-même suffisamment pour susciter votre compréhension. Mais vous, vous devrez bien vous souvenir de ma réponse et l'inscrire profondément dans vos cœurs, car il importe beaucoup, et même, tout dépend finalement de ce que vous connaissiez très précisément les conditions nécessaires pour accéder pleinement à la véritable filiation divine, parce que l'ordonnance divine immuable exige que ces conditions soient nécessaires.

Vous savez que tout homme doit se former et se développer librement par lui-même, tout à fait indépendamment de la toute-puissance de la volonté divine, selon l'ordre divin reconnu par lui, afin de devenir ainsi un libre enfant de Dieu.

Pour cela, le moyen recommandé, le plus puissant, donc le plus efficace, est l'amour de Dieu et dans la même mesure l'amour du prochain, peu importe qu'il soit homme ou femme, jeune ou vieux.

À côté de l'amour, il y a aussi la vraie humilité, la douceur et la patience, parce que le vrai amour ne peut exister et n'est ni vrai, ni pur sans ces trois accessoires.


Mais comment un homme peut-il savoir intérieurement en toute certitude qu'il est dans le pur amour conforme à l'ordre divin?

Lorsqu'il aperçoit un frère ou une sœur pauvres ou que ceux-ci viennent lui demander un secours, que cet homme regarde en lui-même s'il se sent poussé à donner en tout amour, avec la plus grande joie et sans mesure, dans l'oubli total de lui-même. S'il découvre en lui-même cette impulsion, qui doit être bien sûr tout à fait sincère et vive, c'est qu'il est déjà mûr et prêt pour la véritable filiation divine, et les promesses dont un tel homme, qui est en quelque sorte déjà un enfant de Dieu, peut attendre la réalisation, commencent à devenir une réalité à part entière et à se manifester merveilleusement dans ses paroles et ses actes, et vous êtes ainsi justifiés en tant qu'enseignants aux yeux de vos disciples.

Mais les disciples chez qui les promesses ne se sont pas manifestées devront s'y conformer, et ne s'en prendre qu'à eux-mêmes si ce qui a été promis n'est toujours pas visible chez eux; car ils n'auront pas encore ouvert pleinement leur cœur à l'humanité pauvre.

Aimer Dieu et obéir de son plein gré à Sa volonté reconnue, tel est en vérité l'élément céleste dans le cœur humain. C'est là que réside et demeure l'esprit divin dans le cœur de tout homme; et c'est l'amour du prochain qui est la porte menant à cette demeure sacrée.

Cette porte doit être grande ouverte pour que la plénitude de la vie divine puisse entrer dans cette demeure, et l'humilité, la douceur et la patience sont les trois fenêtres grandes ouvertes par où la sainte demeure de Dieu dans le cœur de l'homme est éclairée par la puissante lumière des cieux et imprégnée de toute la chaleur de la vie céleste.

Tout dépend donc d'un amour du prochain librement consenti, sincère et joyeux; et la plus grande abnégation possible, c'est la révélation même des promesses. — Vous avez là la vraie réponse à la plus grande question de la vie. Réfléchissez-y bien et agissez en conséquence, et vous serez justifiés à vos propres yeux, aux yeux de vos frères et devant Dieu! Car ce que le Seigneur fait Lui-même à présent, les hommes devront aussi le faire afin de Lui ressembler et de devenir ainsi Ses enfants. — Avez-vous compris tout cela? »



Quand Raphaël eut terminé ce discours inspiré par Moi, les trois hommes en furent confondus d'étonnement, et Mathaël dit: « Oh, nous avons certes bien compris ces paroles véritablement sacrées, et nous avons aussi pleinement compris pour la première fois ce que David a voulu dire dans ses psaumes divins par ces mots : "Portes, levez vos frontons, ouvrez-vous, portails antiques, qu'il entre, le roi de gloire!" Mais la réalisation vivante, où la trouver?! Comment peut-on mettre cela en pratique avec toute la chaleur de la vie?

Donner à un pauvre, on le fait sans doute déjà, et même sans regretter le peu que l'on a donné à cet être dans le besoin; mais c'est bien davantage la raison qu'un quelconque sentiment d'amour envers le prochain qui vous y pousse! Ô Dieu, que l'homme est loin du but avec sa raison et son froid jugement dépourvu de tout amour! Celui qui donne à un pauvre avec un véritable amour fraternel du prochain et qui éprouve en outre une vraie joie pleine d'humilité d'avoir fait au nom de Dieu autant de bien que possible à ses frères et sœurs, celui qui ressent constamment en lui le très vif désir d'en faire encore bien davantage et qui s'efforce de rendre ses frères et sœurs pauvres aussi heureux que possible par une extrême bienveillance, par la parole et par les actes accomplis dans la joie, oh, comme son âme et son esprit sont incomparablement plus élevés devant Dieu! Mais nous, où en sommes-nous encore avec nos cœurs durs et notre entendement limité?!

Ô céleste ami, tu en as fait de belles avec ta question et la réponse que tu lui as toi-même donnée!À présent, nous savons vraiment ce que nous sommes et où nous en sommes! Ô Seigneur, éveille nos cœurs et enflamme-les d'un véritable et vivace amour du prochain, sans quoi toute Ta doctrine de vie, si purement divine soit-elle, n'est plus qu'un vain jeu de mots esthétique et moral sans le moindre effet!

Et je vois aussi maintenant tout ce qu'a été jusqu'ici le chemin de ma vie; il était foncièrement fourvoyé dans ses moindres détours, et c'est pourquoi je ne pouvais atteindre à aucun but!

C'est seulement maintenant que je commence à reconnaître le seul vrai chemin, et je sais désormais ce que sont les promesses et leur réalisation. Je sais ce qui me manque encore, ce qui manquera à ceux pour qui les promesses ne s'accompliront point alors même qu'ils auront embrassé la doctrine divine, et comment il faudra les ramener sur le droit chemin; mais je comprends aussi qu'il me reste beaucoup à faire pour être moi-même parfaitement en règle!

Nous sommes certes, quant à nous, fort favorisés dans le domaine de la foi, puisque le Seigneur est ici parmi nous en personne et qu'il nous enseigne en paroles et en actes — ainsi, le ciel tout entier nous est ici grand ouvert, et les anges de Dieu nous enseignent la sagesse divine et l'ordre divin éternel de la vie; mais la formation de nos cœurs nous est laissée tout entière! Pourtant, avec l'aide du Seigneur, nous ferons quelque chose là aussi!

Savoir est une chose, et ressentir en est une autre. L'on peut accéder au savoir même par le zèle le plus desséché, et à la sagesse mondaine par l'expérience; mais le vrai sentiment demande bien autre chose que le savoir et l'expérience!

Un grand savoir ne rend pas le cœur sensible et ne lui donne pas toujours un bon vouloir, et l'expérience peut nous rendre avisés dans le mal comme dans le bien; seule une juste sensibilité anime et ordonne toute chose et donne la paix et la félicité. C'est pourquoi, lorsqu'on veut faire de l'homme un homme véritable, il faut dès le début de sa formation prêter attention à son cœur avant tout!

Car si l'on ne travaille pas le cœur dès le commencement, mais seulement la raison, le cœur s'endurcit et devient bientôt orgueilleux, selon les exigences de la raison! Et une fois que le cœur devient orgueilleux, il est bien difficile de transformer ses sentiments; il faut alors envoyer à ce cœur de véritables épreuves du feu, c'est-à-dire la détresse et la misère sous toutes ses formes, et qu'il soit oppressé de toutes sortes de manières, pour qu'il puisse devenir enfin aussi tendre qu'une cire malaxée, doux et sensible à la détresse, à la misère et aux larmes du prochain!

Nous te remercions, et à travers toi le Seigneur, pour cette leçon essentielle grâce à laquelle je n'ai su qu'aujourd'hui ce que j'avais à faire pour tous les temps à venir, pour moi-même comme pour tous ceux qui recevront à travers moi la très belle et très pure lumière venue de Dieu. »





Qui est le prochain?

Le Seigneur est chez Marc, un légionnaire à la retraite qui habite pauvrement avec sa famille près de Césarée de Philippe, au bord de la mer de Galilée. Le Gouverneur Cyrénius est également présent, car de passage à Césarée de Philippe, il était venu saluer Marc, son ancien compagnon d'armes. Puis arriva avec son bateau le commandant Julius de Génésareth, avec Ebahl et sa fille Jarah, chez qui le Seigneur avait précédemment séjourné. C'est ainsi qu'une compagnie nombreuse se trouvait près du Seigneur. Dans la soirée, le Seigneur répondit à de nombreuses questions. Ici, Cyrénius pose la question de la bonne compréhension de l'amour du prochain: (Grand Évangile de Jean_2,chap.233, v.11-13)

(Cyrénius:) «.. Tu as dit qu'on peut guérir la vieille blessure de l'âme avec le nouveau commandement de l'amour du prochain et que l'on peut ainsi se libérer totalement du péché originel, et que la parfaite conscience de la véritable vie éternelle reviendrait alors avec toute sa force et sa clarté dans l'homme. Ce serait vraiment du plus grand profit pour les hommes qui deviendraient ainsi véritablement des hommes capables d'accomplir dans leur vie terrestre de grandes et belles choses.

Avec ce sentiment de la certitude de sa mort et de sa disparition de la scène de la vie qui tourmente sans cesse la pauvre humanité, l'homme doit finir par perdre tout courage d'accomplir de grandes choses, ou bien il se jette dans l'adoration la plus folle des idoles de ce monde, fuyant l'idée de sa mort future pour ne jouir que d'une vie passagère comme si elle était éternelle. Il est donc d'une importance capitale qu'un tel commandement soit donné à l'homme pour qu'il retrouve le paradis perdu d'Adam et qu'il y demeure éternellement. Le commandement du véritable et sincère amour du prochain nous rendra ce qui a été perdu.

Mais c'est une grande question de savoir comment il faut observer un commandement aussi important pour atteindre totalement, et pas à moitié, le grand but promis. »

Je dis: « Voilà une bonne réflexion et Je vais te donner la bonne réponse, mais demandons à notre vieil hôte Marc de nous dire auparavant ce qu'est pour lui ce prochain, alors Je vous donnerai d'autres éclaircissements. Dis-nous, cher Marc, qui est, à ton avis, le prochain auquel il faut prouver tout son amour? »



Note: Marc avait été juif à l'essai pendant trois ans, il connaissait donc l'Écriture et tout ce qu'enseigne la religion juive, mais était resté incirconcis et citoyen romain, car il ne portait pas les prêtres du Temple dans son coeur.

Le vieux Marc dit (chap.234): « Seigneur, tout ce que je viens d'entendre avec les miens m'a si profondément bouleversé que je me sens incapable de dire le moindre mot pour définir aisonnablement ce qu'est pour moi le prochain!

Il est certain que celui qui se trouve proche de moi physiquement doit être mon prochain, et s'il a besoin de mon aide, je dois la lui donner! Mes voisins sont aussi mon prochain, s'ils viennent me demander de l'aide, je ne dois pas la leur refuser. Ma femme et mes enfants sont également mon prochain, je dois prendre soin de leur bien-être matériel et spirituel.

Quand j'étais encore un soldat, mes camarades étaient mon prochain et c'était mon devoir de leur venir en aide s'ils en avaient besoin. Par ailleurs, tout homme, quelle que soit sa religion, est mon prochain dès qu'il se trouve dans le besoin, et je ne dois pas passer à côté sans lui venir en aide.

Oui, je pense même qu'il ne faut pas refuser de venir à l'aide d'un animal domestique qui en a besoin. Bref, avec sa raison limitée, l'homme doit imiter le royaume de Dieu et dans toutes ses actions répandre les rayons de son soleil sur toutes les créatures comme Dieu fait briller son soleil sur toute créature.

Certes, l'homme ne peut imiter son Créateur que selon les limites de son être, mais comme il porte en lui la ressemblance de Dieu, ou comme il est fait de l'image de Dieu, il faut qu'il agisse selon les aptitudes qui lui ont été conférées. Voilà mon avis, mais Toi, Seigneur, donne-nous l'explication exacte, je préfère mille fois entendre Ta parole que de parler moi-même! »

Je dis : « Oui, Je parlerai, bien qu'il soit minuit passé, mais faisons un petit arrêt, tendons l'oreille et écoutons si aucun appel à l'aide ne nous vient de la mer. » À peine avais-je fait cette remarque qu'un bruit parvint de la mer, où l'on pouvait reconnaître un grand nombre de voix humaines. Marc et ses fils Me demandèrent aussitôt s'il fallait aller porter secours à ces malheureux en difficulté dans une embarcation aux prises avec le vent nocturne ou avec un des tourbillons qui existent dans cette baie.

Je dis : « C'est une mauvaise embarcation chargée de jeunes lévites et Pharisiens. Ils viennent des environs de Capharnaüm et de Nazareth et sont en route pour Jérusalem. Ils ont préféré la mer à la terre ferme, car le parcours est ainsi moins long et moins difficile, mais à Sibarah ils n'ont trouvé qu'une misérable embarcation et ils sont en difficulté avec le vent nocturne qui s'est levé. S'ils ne sont pas secourus, ils périront! »

Marc dit : « Seigneur, en vérité, ce ne serait pas dommage de les voir donnés en pâture aux poissons, et quant à moi, je prendrais tout mon temps avant de courir à leur secours, mais si Tu le veux, nous y allons! »

Je dis: « Tu viens de dire très justement que l'homme a été créé à l'image de Dieu et qu'il en a les qualités s'il fait rayonner le petit soleil qu'il a dans son cœursur toutes les créatures et considère comme un prochain tous ceux, amis ou ennemis qui sont en danger!

Tes paroles sont justes et vraies, mais il faut agir en accord avec elles si tu veux que la vérité demeure en toi! Car la pure vérité ne sert à rien à l'homme s'il ne la met pas en pratique. Au contraire, s'il le fait, la lumière de la vie éternelle coule à flots et illumine tous les coins obscurs de l'âme humaine comme en plein midi le soleil répand sa lumière sur les vallées qu'il réchauffe et vivifie. Fais ce que tu voudras! »

Marc dit alors: « Vite, à l'aide, dût ce minable bateau être plein d'ours, de tigres, de lion et de hyènes! »

Aussitôt Marc et ses fils courent au rivage, montent dans une solide embarcation et rament jusqu'à ceux qui crient au secours.





La juste place de l'amour de soi

Ici Judas ne comprend pas ce que veut dire s'abaisser devant ses frères et se croire le plus petit de tous, et rétorque à Jésus qu'il est impossible à l'homme de n'avoir pas d'amour de soi: (Grand Évangile de Jean_2, chap.76, v.8-9 et chap.77, v.1-2)

(le Seigneur:) « ..Mais il en sera tout autrement pour celui qui voudra sur terre se faire le plus petit serviteur des autres, en vue de cette priorité céleste uniquement! Oh ! Il sera lui aussi l'un des derniers dans le royaume de Dieu. Dans l'au-delà, tout sera pesé avec la balance la plus subtile et selon la mesure la plus exacte. Là où apparaîtra l'intérêt personnel, la balance ne penchera pas du bon côté et la mesure céleste ne sera pas honorée. Il faut avoir en soi la vérité parfaite sans aucune arrière-pensée, sinon tu n'entreras pas dans le royaume de Dieu. Seule la pure vérité sans aucune fausseté et sans aucune imposture vous rendra libres devant Dieu et devant toutes Ses créatures. Comprends-tu cela? »

Judas Iscariote dit : « Oui, je comprends bien, mais remarque aussi que c'est impossible à réaliser, car il est impossible à l'homme de renoncer à tout amour de soi. L'homme doit boire et manger, se procurer une demeure, des vêtements, et cela procède aussi en quelque sorte de l'amour de soi! On prend une femme qui vous plaît, on veut l'avoir à soi tout seul, et malheur à celui qui ose convoiter la femme de son prochain! N'est-ce pas là encore une forme d'amour de soi?

Si je possède une terre bien cultivée et que vienne le temps de la moisson, irai-je dire à mes voisins, par pur désintéressement et mépris total de moi-même: "Mes amis, venez moissonner ce qui pousse dans mon champ, car moi, le plus petit d'entre vous, votre serviteur en tout, et qui n'ai aucune valeur comparé à vous, je n'ai travaillé que pour vous!" Non, le mépris de soi et le renoncement à soi-même doivent avoir une limite, sans quoi il serait impossible d'annoncer Ta doctrine sans avoir l'air de prendre vraiment ses frères pour plus bêtes que soi-même! Se croire spirituellement plus avancé que ses frères, il y a bien là un peu d'orgueil! Et dans ce cas, dans cent ans on verra les hommes comme des bœufs, et il n'y aura plus trace de langage, d'habitation ou de ville! Jusqu'où l'amour de l'homme pour lui-même a-t-il donc le droit aller? »



Je dis: « Très bien, Je vais te donner une mesure par laquelle tu pourras juger, toi et tout un chacun, quels doivent être l'amour de soi, l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

Prends le chiffre 666 qui, selon ses bonnes ou ses mauvaises proportions, signifie l'homme parfait ou le parfait diable.

Partage l'amour en l'homme en 666 parts. Donnes-en à Dieu 600, 60 au prochain et 6 à toi-même. Mais si tu veux être un parfait diable, donnes-en 6 à Dieu, 60 au prochain et 600 à toi-même...»





Les trois amours universels

On trouve chez Swedenborg un exposé complet sur ce que doit être l'amour du prochain dans la Vraie Religion Chrétienne, chapitre VII : De la charité ou de l'amour à l'égard du prochain et des bonnes oeuvres.Tout d'abord ce que sont les trois amours universels:

Je commencerai par ces trois Amours, parce qu'ils sont universels, et constituent les fondements de tous les autres amours, et parce que la Charité a avec chacun d'eux le commun; car par l'AMOUR DU CIEL il est entendu l'Amour envers le Seigneur, et aussi l'Amour à l'égard du Prochain, et ces deux amours regardant l'usage comme fin, l'Amour du ciel peut être appelé l'Amour des usages. L'AMOUR du MONDE est non-seulement l'Amour des richesses et des possessions, mais encore l'Amour de toutes les choses que le Monde fournit, et qui plaisent aux Sens du corps, comme la beauté aux yeux, l'harmonie aux oreilles, les exhalaisons odoriférantes aux narines, les mets délicats à la langue, les attouchements doux à la peau, puis aussi l'élégance des vêtements, la commodité des habitations, l'agrément de la compagnie, ainsi toutes les jouissances qui proviennent de ces choses et de beaucoup d'autres objets. L'AMOUR DE SOI est non-seulement l'Amour de l'honneur, de la gloire, de la réputation, de la suprématie, mais aussi l'amour de mériter et de briguer les fonctions, et ainsi de régner sur les autres. La charité a de commun avec chacun de ces trois amours, que considérée en elle-même elle est l'amour des usages, car la charité veut faire du bien au prochain, et le bien est la même chose que l'usage; or chacun de ces amours regarde les usages comme ses fins, l'Amour du Ciel les usages spirituels, l'Amour du Monde les usages naturels qui peuvent être nommés usages civils, et l'Amour de soi les usages corporels qui peuvent aussi être nommés usages domestiques pour soi et pour les siens.( n°394)

Et de l'amour en général:

1° La Vie même de l'homme est son Amour; et tel est l'Amour, telle est la Vie, et même tel est l'homme tout entier; mais c'est l'Amour dominant ou régnant qui fait l'homme. Cet Amour a sous sa dépendance plusieurs amours, qui sont des dérivations; ceux-ci se montrent sous une autre forme, mais néanmoins ils sont tous dans l'Amour dominant, et font avec lui un même Royaume; l'Amour Dominant est comme leur Roi et leur Chef; il les dirige, et par eux, comme par des fins moyennes, il vise et tend à sa Fin, qui est la première et la dernière de toutes, et cela tant directement qu'indirectement.

2° Ce qui appartient à l'Amour dominant est ce qui est aimé par dessus toutes choses. Ce que l'homme aime par-dessus toutes choses est sans cesse présent dans sa pensée, parce que cela est dans sa Volonté et fait sa vie même (ipsissima); par exemple, celui qui aime par-dessus toutes choses les richesses, soit qu'elles consistent en argent ou en possessions, est continuellement préoccupé des moyens d'en acquérir, il est intimement dans la joie quand il les acquiert, il est intimement dans la tristesse quand il les perd; son cœur est en elles. Celui qui s'aime par-dessus toutes choses, celui-là en toute circonstance se souvient de lui, pense à lui, parle de lui et agit pour lui, car sa vie est la vie de soi-même.

3° L'homme a pour fin ce qu'il aime par-dessus tout, il l'a en vue en toutes choses et en chaque chose; cela est dans sa volonté comme la veine cachée d'un fleuve, qui entraîne et emporte, même lorsqu'il s'occupe d'autre chose, car c'est ce qui anime. C'est là ce qu'un homme examine chez un autre, et voit même; et par-là, ou il le dirige, ou il agit avec lui.

4° L'homme est absolument tel qu'est le Dominant de sa vie; c'est par ce Dominant qu'il est distingué des autres; c'est lui qui fait son Ciel, s'il est bon, et son Enfer, s'il est mauvais; il est sa Volonté même, son Propre même, et sa Nature même, car il est l'Être même de sa vie; après la mort il ne peut être changé, parce qu'il est l'homme lui-même.

5° Tout plaisir, tout bonheur et toute félicité procède chez chacun de son Amour dominant, et est selon cet amour; car l'homme appelle plaisir ce qu'il aime, parce qu'il le sent; ce qu'il pense et n'aime pas, il peut aussi l'appeler plaisir, mais ce n'est pas le plaisir de sa vie. C'est le plaisir de son amour, qui est pour l'homme le Bien, et c'est le déplaisir qui est pour lui le Mal.

6° Il y a deux Amours d'où découlent tous les biens et tous les vrais, comme de leurs sources mêmes; et il y a deux Amours d'où découlent tous les maux et tous les faux. Les deux Amours, d'où découlent tous les biens et tous les vrais, sont l'Amour envers le Seigneur et l'Amour à l'égard du prochain ; et les deux Amours, d'où découlent tous les maux et tous les faux, sont l'Amour de soi et l'Amour du monde: ces deux Amours ci, quand ils dominent, sont entièrement opposés aux deux autres Amours.

7° Les deux Amours qui sont, comme il a été dit, l'Amour envers le Seigneur et l'Amour à l'égard du prochain, font le Ciel chez l'homme, car ils règnent dans le Ciel; et comme ils font le Ciel chez l'homme, ils font aussi l'Église chez lui: les deux Amours, d'où découlent tous les maux et tous les faux, et qui sont, comme il a été dit, l'Amour de soi et l'Amour du monde, font l'Enfer chez l'homme, car ils règnent dans l'Enfer, conséquemment aussi ils détruisent l'Église chez lui.

8° Les deux Amours, d'où découlent tous les biens et tous les vrais, et qui sont, comme il a été dit, les Amours du Ciel, ouvrent et forment l'homme Interne spirituel, parce qu'ils résident dans cet homme: les deux Amours, d'où découlent tous les maux et tous les faux, et qui sont, comme il a été dit, les amours de l'Enfer, ferment et détruisent l'homme Interne spirituel, quand ils dominent, et ils font que l'homme est naturel et sensuel selon la quantité et la qualité de leur Domination.( n°399)

De l'amour de soi et de l'amour du monde en particulier:

1° L'AMOUR DE SOI consiste à ne vouloir du bien qu'à soi seul, et à n'en vouloir aux autres, même à l'Église, à la Patrie, à une société humaine, et au concitoyen, que par rapport à soi; comme aussi à ne leur faire du bien qu'en vue de la réputation, de l'honneur et de la gloire, de sorte que, si l'on ne voit pas la réputation, 'honneur ou la gloire dans le bien qu'on peut leur faire, on dit dans son cœur: « Que m'importe? Pourquoi le ferai-je? Que m'en reviendra-t-il? et ainsi on ne le fait pas; de là il est évident que celui qui est dans l'Amour de soi n'aime ni l'Église, ni la Patrie, ni la Société, ni le Concitoyen, ni aucun Bien réel, mais qu'il n'aime que lui seul et ce qui lui appartient.

2° L'homme est dans l'Amour de soi, quand dans les choses qu'il pense et qu'il fait il ne regarde pas le prochain, ni par conséquent le Public, encore moins le Seigneur, mais ne voit que lui-même et les siens; par conséquent lorsqu'il fait toutes choses pour lui-même et pour les siens, et aussi lorsqu'il fait quelque chose pour le Public, seulement afin de se faire voir; et pour le prochain, seulement afin qu'il lui soit favorable.

3° Il est dit pour lui-même et pour les siens, car celui qui s'aime, aime aussi les siens, qui sont spécialement ses enfants et ses descendants, et généralement tous ceux qui font un avec lui et qu'il appelle les siens; aimer les uns et les autres, c'est aussi s'aimer soi-même, car il les regarde comme en lui, et se regarde comme en eux; parmi ceux qu'il appelle les siens sont aussi tous ceux qui le louent, l'honorent et le vénèrent. Quant à tous les autres, il les regarde, il est vrai, des yeux du corps comme des hommes, mais aux yeux de son esprit ils sont à peine autre chose que des fantômes.

4° Dans l'Amour de soi est l'homme qui méprise le prochain en le comparant à soi-même, qui le regarde comme ennemi, s'il ne lui est pas favorable, et s'il ne le vénère pas et ne lui rend pas hommage; encore plus dans l'Amour de soi est celui qui, à cause de cela, hait le prochain et le persécute; et encore plus celui qui, à cause de cela, brûle de vengeance contre lui et désire ardemment sa perte; de tels hommes enfin aiment à exercer des cruautés.

5° Par la comparaison avec l'Amour céleste, on peut voir quel est l'Amour de soi; l'Amour céleste consiste à aimer à cause des usages, les usages, ou à cause des biens les biens, qu'on fait à l'Église, à la Patrie, à une Société humaine et au concitoyen; mais celui qui les aime à cause de Soi, ne les aime que comme des domestiques, parce qu'ils le servent: il suit de là que celui qui est dans l'Amour de soi veut que l'Église, la Patrie, les Sociétés humaines et les concitoyens le servent, et ne veut pas les servir; il se met au-dessus d'eux, et les met au-dessous de lui.

6° De plus, autant quelqu'un est dans l'Amour céleste, qui consiste à aimer les usages et les biens, et à être affecté du plaisir du cœur en les faisant, autant il est conduit par le Seigneur, parce que cet Amour est celui dans lequel est le Seigneur, et celui qui vient du Seigneur: mais autant quelqu'un est dans l'Amour de soi, autant il est conduit par soi-même; et autant il est conduit par soi-même, autant il l'est par son Propre; et le Propre de l'homme n'est que le mal, car c'est son mal héréditaire, qui consiste à s'aimer de préférence à Dieu, et à aimer le Monde de préférence au Ciel.

7° L'Amour de soi est encore tel que, autant on lui lâche les freins, c'est-à-dire, autant sont éloignés les liens externes, qui sont la crainte de la loi et de ses châtiments, et la crainte de la perte de la réputation, de l'honneur, du gain, des emplois et de la vie, autant il s'élance, jusqu'à vouloir dominer non-seulement sur tout le globe, mais encore sur le Ciel, et sur Dieu Même; il n'y a jamais pour lui aucun terme, ou aucune fin: cette cupidité est cachée dans tout homme qui est dans l'Amour de soi, quoiqu'elle ne se manifeste pas devant le Monde, où les freins et les liens ci-dessus nommés le retiennent; et quiconque est tel, quand il rencontre un obstacle impossible à lever, s'y arrête, jusqu'à ce que la chose devienne possible; c'est à cause de tout cela que l'homme qui est dans cet amour, ne sait pas que cette folle cupidité sans bornes est cachée en lui. Que cependant il en soit ainsi, chacun peut le voir chez les Puissants et les Rois, pour qui ces freins, ces liens et ces impossibilités n'existent pas, lesquels se précipitent sur les Provinces et les Royaumes, les subjuguent, autant que le succès les seconde, et aspirent à une puissance et à une gloire sans bornes: et plus encore chez ceux qui étendent leur Domination sur le Ciel, et transfèrent en eux toute la Puissance Divine du Seigneur; ceux-ci désirent continuellement davantage.

8° Il y a deux genres de Domination: L'une, de l'Amour à l'égard du prochain et l'autre, de l'Amour de soi. Ces deux Dominations sont opposées l'une à l'autre; celui qui domine d'après l'Amour à l'égard du prochain veut du bien à tous, et n'aime rien plus que de faire des usages, et ainsi servir les autres; - servir les autres, c'est d'après le bien vouloir faire du bien aux autres et faire des usages ; - c'est là son Amour, et c'est là le plaisir de son cœur; autant celui-ci est élevé aux dignités, autant aussi il s'en réjouit, non à cause des dignités, mais à cause des usages qu'il peut alors faire en plus grande abondance et dans un degré plus étendu; telle est la Domination dans les cieux. Mais celui qui domine d'après l'Amour de soi ne veut du bien à qui que soit, il n'en veut que pour lui et pour les siens; les usages qu'il fait sont pour son propre honneur et sa propre gloire, ce sont là pour lui les seuls usages; il sert les autres, afin d'être servi lui-même, d'être honoré et de dominer; il ambitionne les dignités, non pour les biens qu'il pourra faire, mais pour être au-dessus des autres et dans la gloire, et par suite dans le plaisir de son cœur.

9° L'Amour de la Domination reste aussi chez chacun après la vie dans le Monde; mais à ceux qui ont dominé d'après l'Amour à l'égard du prochain est aussi confiée une Domination dans les cieux: et alors ce ne sont pas eux qui dominent, mais ce sont les usages et les biens, qu'ils aiment; et quand les usages et les biens dominent, le Seigneur domine; quant à ceux qui dans le Monde ont dominé d'après l'Amour de soi, ils sont dépouillés de la domination après la vie dans le Monde, et sont réduits en servitude. Maintenant, d'après ce qui vient d'être dit, on peut connaître qui sont ceux qui sont dans l'Amour de soi; peu importe quelle apparence ils aient dans la forme externe, qu'ils soient élevés ou soumis, car les motifs de domination sont dans l'homme Interne, et chez la plupart l'homme Interne est caché, et l'homme Externe est instruit à feindre des affections qui appartiennent à l'Amour du Public et du prochain, ainsi des affections contraires, et cela aussi en vue de soi-même; car ceux-là savent qu'aimer le Public et le prochain fait intérieurement impression sur tous les hommes, et qu'on en est d'autant estimé; si cela fait impression, c'est parce que le Ciel influe dans cet Amour. 10° Les maux, chez ceux qui sont dans l'Amour de soi, sont en général le Mépris pour les autres, l'Envie, l'Inimitié contre ceux qui ne leur sont pas favorables, l'Hostilité qui en provient, les Haines de tout genre, les Vengeances, l'Astuce, les Fourberies, l'Inhumanité, la Cruauté; et là où sont de tels Maux, il y a aussi le Mépris pour Dieu et pour les Divins, qui sont les vrais et les biens de l'Église; s'ils les honorent, c'est seulement de bouche et non de cœur. Et comme ces maux proviennent de cet amour, il en provient aussi des faux semblables, car les faux viennent des maux.

11° L'AMOUR DU MONDE consiste à vouloir attirer à soi les Richesses des autres par quelque moyen que ce soit, à placer son cœur dans ces richesses, et à souffrir que le Monde le retire et l'éloigne de l'Amour Spirituel, qui est l'Amour à l'égard du prochain, et ainsi l'éloigne du Ciel. Dans l'Amour du Monde sont ceux qui désirent s'emparer des biens des autres par divers moyens, surtout ceux qui emploient l'astuce et la fourberie, en regardant comme rien le bien du prochain: ceux qui sont dans cet Amour convoitent les biens des autres; et en tant qu'ils ne craignent point les lois, ni la perte de leur réputation à cause du profit qu'elle procure, ils dépouillent, et même ils pillent.

12° Cependant l'Amour du monde n'est pas opposé à l'Amour céleste au même degré que l'Amour de soi, parce qu'il n'y a pas de si grands Maux renfermés en lui.

13° Cet Amour est de plusieurs espèces: Il y a l'Amour des richesses pour s'élever aux honneurs ; il y a l'Amour des honneurs et des dignités pour obtenir les richesses; il y a l'Amour des richesses pour différents usages qui procurent du plaisir dans le Monde; il y a l'Amour des richesses pour les richesses seules, tel est l'Amour chez les avares; et ainsi du reste; la fin pour laquelle on désire les richesses est appelée usage, et c'est de la fin ou de l'usage que l'amour tire sa qualité; car telle est la fin pour laquelle on désire, tel est l'Amour; toutes les autres choses lui servent comme moyens.

14° En un mot, l'Amour de soi et l'Amour du monde sont absolument opposés à l'Amour envers le Seigneur et à l'Amour à l'égard du prochain; c'est pourquoi l'Amour de soi et l'Amour du monde, tels qu'ils ont été décrits ci-dessus, sont des Amours infernaux, ils règnent aussi dans l'Enfer, et même ils font l'Enfer chez l'homme. Au contraire, l'Amour envers le Seigneur et l'Amour à l'égard du prochain sont des Amours célestes, ils règnent aussi dans le ciel, et même ils font le Ciel chez l'homme. (n°400)

Enfin:

Ces trois Amours, lorsqu'ils ont été régulièrement subordonnés, perfectionnent l'homme; mais lorsqu'ils ont été irrégulièrement subordonnés, ils le pervertissent et le renversent.(n°403)





L'ordre juste de l'amour à l'égard du prochain

Dans le même chapitre de la 'Vraie Religion chrétienne', Swedenborg nous apprend que la première chose de la Charité est de ne pas faire de mal au prochain:

Ce qui tient la première place dans la Doctrine de la Charité, c'est que la première chose de la Charité est de ne pas faire de mal au prochain, et la seconde de lui faire du bien; ce point dogmatique est comme la porte de cette doctrine. On sait que le mal a son siège dans la volonté de chaque homme dès la naissance; et comme tout mal regarde l'homme tant près de lui, qu'à distance, de lui, et aussi la Société et la Patrie, il s'ensuit que le mal héréditaire est le mal contre le prochain dans chaque degré. L'homme, d'après la raison elle-même, peut voir qu'autant le mal qui a son siège dans la Volonté n'est pas éloigné, autant le bien qu'il fait est imprégné de ce mal; car alors le mal est intérieurement dans le bien, comme la noix dans sa coquille, et comme la moelle dans un os; ainsi, quoique le bien qui est fait par un tel homme se présente comme un bien, toujours est-il qu'intérieurement ce n'est pas un bien, car il est comme une coquille brillante qui renferme une noix rongée des vers, et comme une amande blanche au dedans de laquelle il y a une pourriture, dont les veines s'étendent jusqu'à la surface.(n°435)

On croit aujourd'hui que la Charité consiste seulement à faire le bien, et qu'alors on ne fait pas le mal, qu'ainsi la première chose de la charité est de faire le bien, et la seconde de ne pas faire le mal; mais c'est tout à fait l'inverse, la première chose de la Charité est d'éloigner le mal, et la seconde de faire le bien, car la Loi universelle dans le Monde spirituel, et par suite aussi dans le Monde naturel, est que, autant quelqu'un ne veut pas le mal, autant il veut le bien, ainsi autant il se détourne de l'enfer d'où monte tout mal, autant il se tourne vers le Ciel d'où descend tout bien; que par conséquent aussi, autant quelqu'un rejette le diable, autant il est accepté par le Seigneur; (n°437)

Le Décalogue enseigne quel est le mal qu'il ne faut pas faire au prochain. Autant l'homme fuit le mal, autant influe en lui le bien. Dans la Doctrine de Vie pour le Nouvelle Jérusalem, n°21 et 22, on lit:

Il résulte évidemment de là que, autant l'homme fuit les maux, autant il est chez le Seigneur et dans le Seigneur; et que, autant il est dans le Seigneur, autant il fait les biens, non d'après lui-même, mais d'après le Seigneur. De là cette loi commune: AUTANT QUELQU'UN FUIT LES MAUX, AUTANT IL FAIT LES BIENS.

Mais deux choses sont requises: La première, que l'homme doit fuir les maux, parce qu'ils sont des péchés, c'est-à-dire, parce qu'ils sont Infernaux et Diaboliques, ainsi contre le Sei­gneur el contre les Lois Divines; la seconde,que l'homme doit,comme par lui·même, fuir les maux parce qu'ils sont des péchés, mais savoir et croire que c'est par le Seigneur.

Citons encore les titres des chapitres VIII à XI du même livre:

Autant quelqu'un fuit comme péchés les homicides de tout genre, autant il a l'amour à l'égard du prochain.

Autant quelqu'un fuit comme péchés les adultères de tout genre, autant il aime la chasteté.

Autant quelqu'un fuit comme péchés les vols de tout genre, autant il aime la sincérité.

Autant quelqu'un fuit comme péchés les faux témoignages de tout genre, autant il aime la vérité.


Par quoi il faut entendre les homicides, les adultères, les vols et les faux témoignages de tout genre, au sens naturel, au sens spirituel et au sens suprême, est amplement développé dans ces chapitres (n°67 à n°91).


La foi sans le bien agir n'est pas la foi

Dans la Doctrine de Vie pour la Nouvelle Jérusalem:

Que l'homme puisse savoir, penser et comprendre beau­coup de choses, et cependant ne pas être sage, cela a été montré ci-dessus, No, 27, 28; et comme il appartient à la foi de savoir et de penser, et plus encore de comprendre qu'une chose est de telle ou telle manière, l'homme peut ainsi croire qu'il a la foi, et cependant il ne l'a pas; ce qui fait qu'il ne l'a pas, c'est qu'il est dans le mal de la vie, et que le mal de la vie et le vrai de la foi ne peuvent jamais agir ensemble; le mal de la vie dé­truit le vrai de la foi, parce que le mal de la vie appartient à la volonté et le vrai de la foi à l'entendement, et que la volonté conduit l'entendement el fait qu'i! agit conjointement avcc elle; c'est pourquoi, si dans l'entendement il y a quelque chose qui ne concorde pas avec la volonlé, alors quand l'homme est abandonné à lui-même, et qu'il pense d'après son mal et d'après l'amour de ce mal, ou il chasse le vrai qui est dans l'entende­ment, ou il le force à être un par falsification. Il en est autrement chez ceux qui sont dans le bien de la vie; ceux-ci, aban­donnés à eux-mêmes, pensent d'après le bien, et ils aiment le vrai qui esl dans l'entendement, parce qu'il concorde: ainsi la conjonction de la foi et de la vie se fait comme est la conjonction du vrai et du bien, et ces deux conjonclions sont comme est la conjonclion de l'entendement et de la volonté.(n°44)

Maintenant, il suit de là que, de même que l'homme fuit les maux comme péchés, de même il a la foi, parce qu'ainsi il est dans le bien, comme il a été montré ci-dessus: cela aussi est confirmé par son contraire, en ce que celui qui ne fuit pas les maux comme péchés n'a pas la foi, parce qu'il est dans le mal, el que le mal déteste intérieurement le vrai; à l'extérieur, il peut, à la vérité, le traiter en ami, le supporter, et même aimer qu'il soit dans l'entendement; mais quand l'ex­térieur est enlevé, - ce qui arrive après la mort, il rejette d'abord le vrai son ami dans le monde, puis il nie qu'il soit le vrai, et enfin le prend en aversion.(n°45)

Ainsi, comme il est affirmé dans la
Vraie Religion Chrétienne, chapitre VI :

La Foi sans la Charité n'est point la Foi, et la Charité sans la Foi n'est point la Charité, et l'une et l'autre n'est vive que par le Seigneur.(n°355)

ou encore:

Le Seigneur, la Charité et la Foi font un, comme la Vie, la Volonté et l'Entendement dans l'homme; et s'ils sont divisés, chacun est perdu, comme une perle réduite en poudre.(n°362)

Le Seigneur est la Charité et la Foi dans l'homme, et l'homme est la charité et la foi dans le Seigneur.(n°368)

Dans le même chapitre, Swedenborg écrit:

L'Église d'aujourd'hui a séparé la foi d'avec la charité, en disant que la Foi Seule, sans les œuvres de la loi, justifie et sauve, et qu'ainsi la Charité ne peut pas être conjointe à la Foi, puisque la Foi vient de Dieu, et que la Charité, en tant qu'elle est actuelle dans les œuvres, vient de l'homme; jamais ceci n'est venu à l'esprit d'aucun Apôtre, comme le montrent clairement leurs Épîtres; mais cette séparation et cette division ont été introduites dans l'Église Chrétienne, quand on a partagé Dieu Un en trois Personnes, et qu'on a attribué à chacune une égale Divinité. Qu'il n'y ait point de Foi sans la Charité, ni de Charité sans la Foi, et qu'il n'y ait de vie dans l'une et l'autre que par le Seigneur, cela sera illustré-dans le Lemme suivant; ici, pour aplanir le chemin, il sera démontré : I. Que l'homme peut s'acquérir la foi. II. Et aussi la Charité. III. Et aussi la vie de l'une et de l'autre. IV. Mais que cependant rien de la Foi, rien de la Charité, ni rien de la Vie de l'une et de l'autre ne vient de l'homme, mais que tout vient du Seigneur seul.(n°355)

La foi et la charité sont ensemble dans les oeuvres, mais l'homme qui croit que tout vient du Seigneur ne place pas les mérites dans les exercices de la charité, comme le souligne Swedenborg dans la Vraie Religion Chrétienne, chapitre VII :

. Placer le mérite dans les œuvres, qui sont faites en vue du salut, est pernicieux; car en cela se cachent des maux dont celui qui agit ainsi ne se doute nullement; il s'y cache la négation de l'influx et de l'opération de Dieu chez l'homme; la confiance de la propre puissance dans les choses de salut; la foi en soi et non en Dieu; la justification de soi; la salvation d'après ses propres forces; l'annihilation de la grâce et de la miséricorde Divines; le rejet de la réformation et de la régénération par des moyens Divins; spécialement l'abolition du mérite et de la justice du Seigneur Dieu Sauveur qu'on s'attribue à soi-même; de plus, la continuelle intuition de la récompense qu'on regarde comme fin première et dernière; la submersion et l'extinction de l'amour envers le Seigneur et de l'amour à l'égard du prochain; la complète ignorance et la non perceptibilité du plaisir de l'amour céleste, qui est sans le mérite; et la seule sensation de l'amour de soi; car ceux qui placent la récompense au premier rang et le salut au second, ainsi le salut pour récompense renversent l'ordre, et plongent dans leur propre les désirs intérieurs de leur mental, et les corrompent dans le corps par les maux de leur chair: de là vient que le bien du mérite apparaît devant les Anges comme de la rouille, et le bien du non-mérite comme de la pourpre. Que le bien ne doive pas être fait dans un but de récompense, le Seigneur l'enseigne dans Luc: « Si vous faites du bien à ceux qui vous font du bien, quelle grâce est-ce à vous? Aimez plutôt vos ennemis, et faites du bien, et prêtez sans en rien espérer, alors votre récompense sera abondante, et vous serez les fils du Très-Haut, parce que lui (est) bénin envers les ingrats et les méchants. » - VI. 33 à 36. - Que l'homme ne puisse que par le Seigneur faire le bien, qui en soi est le bien, on le voit dans Jean : « Demeurez en Moi, et Moi en vous; comme le sarment ne peut porter du fruit par lui-même s'il ne demeure dans le cep, de même vous non plus si vous ne demeurez en Moi, car sans moi vous ne pouvez faire rien. » - XV. 4,5. - Et ailleurs : « Un homme ne peut prendre rien, à moins qu'il ne lui ait été donné du Ciel. » - III.27. ( n°439)

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L'amour est patient, l'amour est serviable, il n'est pas envieux; l'amour ne se vante pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il ne médite pas le mal, il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il se réjouit de la vérité; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. (1 Cor. XIII, 4-7)

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